Le langage clair en débat

Le langage clair, bien qu’adopté de manière croissante à travers le monde, fait l’objet de débats sur plusieurs aspects de son utilisation, de son impact et de ses limites. Voici quelques-uns des principaux enjeux et débats autour du langage clair :

1. Simplification vs. Appauvrissement du langage

L’un des débats majeurs autour du langage clair concerne la crainte que la simplification des textes n’entraîne un appauvrissement du langage. Certains critiques estiment que le langage clair peut réduire la richesse linguistique, en limitant l’usage de termes techniques, métaphoriques ou poétiques, au profit d’un vocabulaire plus basique. Ils craignent que cela mène à une forme de communication « aseptisée » qui, en voulant être compréhensible par tous, risque de négliger la diversité des expressions et des nuances.

Argument en faveur : Le langage clair ne vise pas à appauvrir le langage, mais à le rendre accessible à un plus grand nombre de personnes, notamment celles avec des difficultés de compréhension (illettrisme, handicap cognitif, non-natifs). Il peut s’agir d’une étape préalable avant une exposition à un langage plus riche et complexe.

2. Accessibilité universelle vs. Publics ciblés

Le débat se pose également sur la question de savoir si le langage clair doit être universel ou adapté aux besoins de publics spécifiques. Certaines critiques soulignent que ce qui est clair pour un groupe donné (personnes âgées, jeunes, personnes en situation de handicap) peut ne pas l’être pour un autre.

Argument en faveur : L’objectif du langage clair est de rendre les informations accessibles à une majorité, tout en reconnaissant qu’il peut y avoir différents niveaux de simplification en fonction des publics visés. Des initiatives telles que la communication en « Facile à Lire et à Comprendre » (FALC) sont conçues pour répondre aux besoins des personnes avec des déficiences intellectuelles, tandis que d’autres formes de simplification sont plus généralistes.

3. Clarté vs. Précision

Dans certains domaines, notamment juridique et scientifique, le langage clair est critiqué pour risquer de compromettre la précision des informations. Les textes juridiques, par exemple, sont souvent d’une grande complexité en raison de la nécessité d’être extrêmement précis pour éviter les malentendus ou les vides juridiques. La simplification pourrait, selon les opposants, mener à des interprétations erronées ou incomplètes.

Argument en faveur : Le langage clair n’a pas pour objectif de réduire la précision, mais de la rendre plus compréhensible. Une communication efficace peut et doit conjuguer à la fois précision et clarté, en trouvant un équilibre entre les deux. Des outils et des normes, comme l’ISO 24495, aident à formaliser cette approche.

4. Efforts nécessaires vs. Résistance au changement

L’adoption du langage clair nécessite des changements dans les pratiques d’écriture et une formation des professionnels. Cela peut soulever une certaine résistance, particulièrement dans les milieux académiques, juridiques, et administratifs, où le langage technique et complexe est souvent valorisé comme marque de professionnalisme.

Argument en faveur : Si le changement demande effectivement des efforts de formation, les bénéfices du langage clair, en termes de gain de temps, d’efficacité et d’accessibilité, compensent largement ces défis. De nombreuses administrations et entreprises ont constaté que des documents simplifiés permettent de réduire les erreurs et d’améliorer la compréhension des procédures.

5. Normes universelles vs. Diversité linguistique

Un autre débat se concentre sur la difficulté d’établir des normes universelles pour le langage clair, notamment en raison de la diversité des langues et des cultures. Ce qui est perçu comme clair dans une langue ne l’est pas nécessairement dans une autre, d’autant plus que certaines langues sont plus complexes ou contextuelles que d’autres.

Argument en faveur : Les efforts pour développer des normes internationales, comme celles de l’ISO, visent à adapter les principes de base du langage clair à différentes langues, tout en respectant leurs particularités. Les initiatives locales et régionales jouent un rôle clé dans cette adaptation.

6. Langage clair et justice sociale

Le langage clair est souvent présenté comme un levier pour réduire les inégalités en donnant accès à l’information à des publics marginalisés, tels que les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les populations migrantes, etc. Cependant, certains craignent que cela ne suffise pas à résoudre les inégalités plus structurelles liées à l’accès à l’éducation ou aux ressources.

Argument en faveur : Si le langage clair ne peut résoudre seul tous les problèmes d’inégalité, il constitue néanmoins un outil puissant pour l’inclusion sociale et la participation démocratique. En rendant les informations accessibles à un plus large public, il contribue à l’autonomie des individus et à une société plus équitable.

Conclusion

Le langage clair, malgré son adoption croissante, fait face à des débats sur sa mise en œuvre et ses conséquences. Entre simplification et précision, efforts d’adaptation et résistance au changement, il est essentiel de trouver un équilibre qui permette d’étendre l’accessibilité de l’information sans en compromettre la qualité. Ces débats enrichissent la réflexion et stimulent les améliorations continues du langage clair en tant que levier essentiel de la communication moderne.